Contexte et objectif

Au cours des dernières années, le terme « confiance » s’est progressivement imposé dans le lexique des politiques publiques françaises. A partir des années 2000, il prend place dans quelques intitulés de lois, comme celle relative à « la confiance dans l'économie numérique » de juin 2004, la « loi pour un Etat au service d'une société de confiance » d’août 2018 ou la « loi pour une école de la confiance » de juillet 2019. Sa diffusion dans la production législative témoigne de son caractère trans-sectoriel : la confiance est susceptible de concerner les affaires économiques (comme lorsqu’il s’agit de restaurer la « confiance des ménages » ou des « investisseurs), sociales, fiscales, sanitaires (concernant les vaccins, par exemple), éducatives, électorales, etc. Elle témoigne ensuite de son importance : auparavant impensé des politiques publiques et de la compréhension des processus sociaux, la confiance semble être aujourd’hui considérée comme une condition générale de la vie sociale, le fond moral sur lequel se déploie l’activité institutionnelle (Luhmann, 2006 ; Sztompka, 2000).

Cette respectabilité institutionnelle et scientifique récente est significative. L’invocation rituelle de la « confiance » signale, en creux, la croyance en l’existence d’un mal fondamental dont souffriraient les institutions et les services publics : c’est par les thèmes de la crise de la confiance politique (Cheurfa & Chanvril, 2019) et à la faveur du développement de formes de méfiance voir de défiance institutionnelle se déployant à différent niveau d’échelle (entre l’administration et ses administrés, entre l’Etat et les collectivités territoriales, entre les citoyens et leurs représentants et, in fine, des individus envers toutes les formes d’institution (Dubet, 2002) que la  confiance devient tout à la fois un objectif et une condition des politiques publiques. La reconnaissance tardive de son rôle social et politique par les sciences sociales est elle-même un signe de cette propriété paradoxale de la confiance : elle révèle sa nécessité quand elle vient à faire défaut.

Dès lors, plusieurs faisceaux de questions s’imposent. Le premier concerne le diagnostic et les causes de la crise. Comment les sciences sociales établissent-elles le diagnostic de crise de confiance ? Sous quelle forme se présente cette crise ? Observe-t-on des processus contrastés au sein de cette crise générale ? En d’autres termes, touche-t-elle de façon différenciée des secteurs ou des niveaux d’échelles d’intervention des pouvoirs publics ? Mais aussi : quels sont ses facteurs ? De quelle modification du rapport entre les administrés et l’administration témoigne cette « crise de confiance » ?

Le deuxième ensemble de questions concerne les usages politiques de la crise de confiance. Comment les politiques publiques composent-elles avec le déclin de la confiance des individus ? Comment les acteurs adaptent-ils leurs modes d’intervention à cette nouvelle donne ? Comment cette défiance affecte-t-elle des processus politiques de mutation institutionnelle comme la décentralisation (Cole & Pasquier 2017) ? Enfin, si tant est que cet objectif soit désirable, quels leviers pourrait-on actionner pour la résoudre ?

La question de la confiance agit comme un révélateur d’un état historique des relations entre l’Etat, ses territoires et ses administrés. De façon significative, les tentatives de réponses à la « crise de confiance » font généralement la part belle à l’encouragement de l’autonomie et des initiatives locales. C’est le cas notamment des projets de lois « Engagement et Proximité » ou « décentralisation et différenciation » tout comme l’assouplissement, par le gouvernement, de la généralisation de la limitation de la vitesse à 80km sur les routes secondaires pour laisser décider les départements et les communes, ou encore, la loi d’expérimentation territoriale de février 2016 visant à résorber le chômage de longue durée, sont tout aussi commentés comme de nature à (re)construire la « confiance », notamment de l’Etat envers les territoires et les élu-e-s.

Dans ce contexte, la chaire Territoires et Mutations de l’Action Publique (TMAP) propose de questionner ce qui se joue dans cette apparition de la confiance comme enjeu d’action publique, tant dans ses composantes centralisées et que dans ses composantes territoriales. En invitant des spécialistes de ces questions, à l’occasion de l’édition 2020 de son Ecole d’été internationale, la Chaire TMAP met à l’agenda une question centrale pour les dynamiques institutionnelles contemporaines. Le regard pluridisciplinaire proposé lors de cette école d’été sera orienté, comme dans les précédentes éditions, par le souci de croiser les perspectives entre élus, praticiens et jeunes chercheurs. Les doctorant-e-s et postdoctorant-e-s, les élu-e-s et les cadres confrontés, dans le cadre scientifique ou professionnelle, à la problématique de la confiance dans les politiques et dynamiques territoriales auront l’opportunité de croiser et d’enrichir sur leurs regards à travers des ateliers de petits groupes qui alterneront avec les conférences plénières.

 

 

 

 

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